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Les inégalités en tête de l’agenda social 2011

En ce début d’année 2011, le regard des Français sur leur situation économique est plutôt sombre.

L’enquête mensuelle de conjoncture de l’Insee publiée le 4 janvier constate une dégradation de l’opinion des ménages sur « leur niveau de vie et leur situation financière personnelle passés et futurs ».

Qu’il soit pessimiste ou réaliste, ce point de vue fait écho à un sondage IFOP réalisé en septembre 2010 pour la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol), qui révélait le sentiment de montée des inégalités exprimé par les classes moyennes.

S’estimant lésées en termes de salaires et de pouvoir d’achat, ces catégories de population jugent qu’elles contribuent plus à la redistribution qu’elles n’en bénéficient et que l’écart qui les séparait jusqu’alors des plus défavorisés se réduit, nourrissant une crainte de déclassement. Ce ressenti reflète-t-il un réel accroissement des inégalités, qu’aurait aggravé la crise économique ?

Les derniers chiffres de l’Insee sur la décomposition des revenus datent d’avant la crise : ils établissent que « le rapport entre le niveau de vie plancher des 10 % les plus aisés et le niveau de vie plafond des 10 % les plus modestes s’élève à 3,4 ; il est stable depuis 2005″, selon l’enquête des revenus fiscaux et sociaux.

LES REVENUS SUPERIEURS A 84500 EUROS PAR AN BENEFICIAIRES

Toutefois, une étude de l’Insee publiée en avril 2010 met en exergue un accroissement des inégalités entre 2004 et 2007 au plus haut de la pyramide des revenus. L’auteure de l’étude, Julie Solard, y révèle que les revenus supérieurs à 84500 euros par an ont bénéficié à la fois des hausses des revenus du patrimoine et des revenus exceptionnels (stock-options, par exemple), qui les concernent prioritairement, mais aussi d’une hausse de 20 % à 40 % de leurs revenus d’activité, tandis que, pour 90 % de la population française, celle-ci était inférieure à 10 %. « Tous les revenus des plus favorisés ont connu une période faste, d’où une augmentation des inégalités par le haut », affirme Mme Solard.

En 2009, la chute des marchés boursiers devrait avoir provoqué une réduction arithmétique des inégalités, non au bénéfice des plus défavorisés, mais du fait… de « l’appauvrissement » des riches.

A l’inverse, l’année 2010 est marquée par la reprise des marchés boursiers mondiaux et la flambée des prix de l’immobilier en France. Les 10 % des plus riches, qui reçoivent près des deux tiers des revenus du patrimoine, se sont ainsi enrichis, tandis que les ménages les moins favorisés ont de nouveau été pénalisés par des dépenses de logement qui ne cessent de croître.

Ce qui incite Patrick Savidan, président de l’Observatoire des inégalités, à évoquer le retour d’une « société de rentiers ». Surtout, l’analyse par tranche de niveau de vie peut être trompeuse quant à l’évolution des conditions de vie réelles, met en garde Julien Damon, professeur associé à Sciences Po. Depuis la crise, la multiplication des sources d’appauvrissement potentiellement génératrices d’inégalités n’est pas encore visible dans les statistiques de l’Insee.

En premier lieu, le pouvoir d’achat a été freiné par le redressement en 2010 des prix à la consommation, dont la progression annuelle est passée à + 1,2 %, contre – 0,6% en 2009, affectant prioritairement les ménages les moins favorisés. « Pour les 20% des Français les moins bien lotis, le « reste à vivre » – une fois payées les dépenses contraintes (impôts, logement, énergie…) – a été divisé par deux entre 2000 et 2006 ; l’augmentation des coûts du logement et de l’énergie pèse donc de manière catastrophique sur leur budget », explique M. Damon.

Pour 2011, l’horizon ne s’éclaircit pas puisque l’Insee prévoit une décélération du pouvoir d’achat des ménages au premier semestre.

En second lieu, la dégradation du marché du travail – hausse du chômage, du temps partiel et des contrats précaires – ne peut qu’augmenter le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté (949 euros par mois en 2008), estimé par l’Insee à plus de 7,8 millions avant la crise. « En 2010, 35 % des chômeurs ont un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté, avec un effet négatif pour le revenu du ménage, indique Mathieu Plane, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Cent chômeurs font passer 45 personnes supplémentaires sous le seuil de pauvreté. »

« MESURES DE RIGUEUR »

Or le nombre de chômeurs non indemnisés a augmenté de 300 000 entre mi-2008 et mi-2010 ; les inactifs souhaitant travailler sont 100 000 de plus qu’il y a deux ans ; enfin, le nombre de chômeurs de longue durée « tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi » (catégories A, B et C) a augmenté de 52,3 % de novembre 2008 à novembre 2010.

Il est passé de 986 700 à 1,5 million, indique la Dares (ministère du travail). Et le phénomène s’installe : en 2009, le nombre des demandeurs d’emploi inscrits depuis plus d’un an a augmenté de 35,9 % ; en 2010, c’est le nombre d’inscrits depuis plus de deux ans qui a augmenté de 36,4 %. Enfin, « le nombre de contrats à temps partiel subi a augmenté de 260 000 depuis début 2008″, ajoute M. Plane.

Mais c’est sur les classes moyennes que la crise devrait avoir le plus fort impact en termes d’accroissement des inégalités. Car si elles sont affectées par les hausses des prix à la consommation et par la modération salariale imposée par la crise, elles ne bénéficient pas d’autant de transferts sociaux que les ménages les plus défavorisés, ni d’autant de réductions d’impôt et de déductions fiscales que les plus aisés.

Entre le troisième et cinquième décile des niveaux de vie – ce qu’on considère comme le bas de la classe moyenne -, les prestations sociales sont quasiment équivalentes aux impôts directs, note M. Plane.

CHEZ LES MAXIDISCOMPTEURS

Dans son enquête de septembre 2010, l’IFOP indique que 9 % à 17 % des représentants des classes moyennes déclarent avoir un niveau d’endettement élevé. Plus de 30 % disent acheter désormais les produits alimentaires et d’entretien chez les maxidiscompteurs. « Les classes moyennes demandent aujourd’hui une réduction de la pression fiscale, car elles ont le sentiment que leur pouvoir d’achat n’augmentera plus vraiment, sinon par ce mécanisme consistant à leur rendre de l’argent qui leur est pris », expliquait Dominique Reynié, le directeur de la Fondapol, analysant cette enquête sur France Info, le 14 décembre.

Pour M. Damon, plus que les inégalités monétaires, partiellement compensées par les transferts sociaux, ce sont les inégalités de statut qui sont caractéristiques des deux dernières années. « La crise n’a eu qu’un impact limité pour les salariés en contrat à durée indéterminée travaillant dans des secteurs protégés, même privés, à l’inverse de ceux qui étaient employés dans le secteur privé productif exposé à la concurrence mondiale, ou qui sont en emploi précaire, plus particulièrement les jeunes », précise-t-il.

Alors que l’ajustement sur le marché du travail se fait par la précarité, les 15-24 ans sont cinq fois plus représentés que les autres catégories d’âge dans les contrats précaires (contrat à durée déterminée, intérimaires ou apprentis).

Et pour 2011, le niveau de précarité pourrait s’accentuer puisque, « sur les intentions d’embauches exprimées par les entreprises, plus de 85 % sont des CDD, mais surtout 60 % le sont pour des durées de moins d’un mois », indique M. Plane.

Si l’accroissement des inégalités depuis deux ans est à la fois la conséquence de la reprise des marchés boursiers et de la détérioration du marché du travail, il dépendra en 2011 d’un très hypothétique retour de la croissance et de l’ampleur des mesures de rigueur.

La réduction des dépenses publiques envisagée jusqu’en 2013 passera par une baisse des dépenses sociales qui affectera en priorité les plus défavorisés, dont les revenus sont composés à plus de 35 % de transferts sociaux. « La réduction de 1 point de déficit public faisant baisser la croissance de 1 point de PIB, le plus dur de la crise sociale est devant nous », estime M. Plane.

Anne Rodier

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