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L’intelligence économique au service de l’hégémonie chinoise

ntelligence et espionnage économique sont les deux facettes, l’une légale, l’autre non, de la recherche d’informations à laquelle Etats et entreprises se livrent pour maintenir leur avancée technologique. Entrée dans cette course dans les années 1980, la Chine mène, aux dires des experts, une politique agressive en ce domaine, ce que pourrait corroborer une éventuelle confirmation de son implication dans l’affaire d’espionnage industriel de Renault. Le constructeur français a porté plainte contre X, jeudi, mettant en cause une société étrangère dont il a refusé de dire l’origine.

  • La définition d’une politique d’intelligence économique chinoise

« La Chine a toujours fait du renseignement économique, déjà à l’époque maoïste pour les besoins de l’économie planifiée », note le général Daniel Schaeffer, spécialiste des questions stratégiques de l’Extrême-Orient et membre du groupe de réflexion prospective Asie 21. En 1979, quand Deng Xiaoping lance le programme des « quatre modernisations » (agriculture, industrie, défense, sciences et technologies), il y associe une nouvelle stratégie de renseignement économique. L’apparition de la libre entreprise dans les années 1990 va conduire au développement de l’intelligence économique proprement dite et à sa théorisation par le professeur Miao Qihao.

Au niveau politique, ces théories vont être appliquées dès les années 1980 pour développer les technologie de pointe. L’impulsion, explique M. Schaeffer, vient du fait que « les Chinois se sont aperçus que l’Occident ne voudrait céder que la technologie N -1 pour garder leur avance sur la Chine ». Dès lors, ils mettent l’accent sur la copie de technologies étrangères, une stratégie qui s’explique aussi par « le syndrome de l’empire du Milieu : les Chinois ne concevant pas qu’un produit qui sorte de Chine ne soit pas ‘made in China’ »« Mais, poursuit Daniel Schaeffer, le temps d’analyser un matériel étranger, de le reproduire et de l’améliorer, ce matériel était devenu désuet. Ce qui les a poussés à vouloir se débrouiller seuls, en utilisant leurs cerveaux et le renseignement. »

  • Un système centralisé d’intelligence économique

Si la Chine n’a pas l’apanage de telles pratiques, l’intelligence économique y est pensée et définie au sommet d’un Etat fortement centralisé. Le Conseil d’Etat et la Commission militaire centrale, dirigée par le président chinois et le premier ministre, définissent les directives en la matière. Li Keqiang, le vice-premier ministre chinois, pourrait ainsi être l’homme fort de ce système d’intelligence économique, suppose M. Schaeffer. Les directives sont ensuite affinées aux échelons inférieurs, par la Commission nationale pour le développement et la réforme, les ministères du commerce et des sciences et technologie, ainsi que des comités de pilotage.

Disposant d’une large initiative, les exécutants se retrouvent quant à eux aux divers échelons des ministères, dans les organismes publics tels que la Commission des sciences, de la technologie et de l’industrie pour la défense nationale et parmi les Chinois résidant à l’étranger. « Si tous les Chinois ne peuvent être considérés comme des espions, il faut savoir que les Chinois sont foncièrement patriotes et nationalistes » et sont incités à partager leurs informations avec leur ambassade, commente ainsi M. Schaeffer.

  • Intelligence économique et responsabilité industrielle

Selon Daniel Schaeffer, 95 % de l’information acquise l’est légalement, contre 5 % illégalement. Or, « ce sont ces 5 % qui sont cruciaux », admet-il. La responsabilité des entreprises ciblées et de leurs employés est souvent directement en cause, insiste-t-il, regrettant leur manque de connaissance des techniques d’acquisition de l’information économique et de prise de conscience des niveaux de confidentialité de l’information qu’ils détiennent. Une grande partie de l’information est en effet obtenue sur Internet, dans la presse spécialisée, lors des salons et des rencontres, ainsi que lors de négociations entre entreprises.

L’Etat chinois encourage également la coopération économique et les investissements à l’étranger permettant d’acquérir du savoir-faire et des technologies, à l’instar des sociétés à capitaux mixtes. Au même titre, la coopération éducative et scientifique est une voie privilégiée d’acquisition légale de technologie de pointe. En 2008, quelque 200 000 étudiants étaient détachés dans le monde par le gouvernement chinois, indique M. Schaeffer. Une partie de ces étudiants rentre en Chine en ayant acquis un savoir-faire et des compétences qu’ils utilisent pour créer des entreprises concurrentes, qui pourront par la suite chercher à attirer les cerveaux occidentaux.

  • Les frontières floues de l’espionnage économique

La frontière entre légalité et illégalité est parfois ténue. Dans ces « zones grises », les informations confidentielles sont extorquées lors de demandes innocentes d’information, d’offres alléchantes, de voyages ou d’entretiens d’embauche. Les cas d’espionnage économique sont plus aisément avérés lorsque sont utilisées des pratiques telles que la menace, la corruption, l’installation de sociétés écran, la copie ou la cyberpiraterie.

Dans l’affaire de la stagiaire Wang Lili, condamnée pour abus de confiance pour avoir conservé dans son disque dur personnel des milliers de données de l’entreprise Valeo, la preuve de l’espionnage n’avait pu être apportée. L’entreprise n’avait pas été en mesure de prouver que la stagiaire avait été explicitement informée des règles de confidentialité stipulées dans le contrat, explique Daniel Schaeffer.

La violation de la propriété industrielle et intellectuelle est une autre pratique courante d’espionnage économique dans laquelle la Chine s’est souvent illustrée. Des entreprises chinoises se sont ainsi approprié la technologie du train à sustentation magnétique Maglev construit par les Allemands entre Pudong et Shanghaï, après l’avoir analysée et assimilée, et en ont dépossédé les Allemands par le dépôt de vingt brevets.

  • La tentation impérialiste

Cette course effrénée de la Chine au progrès technologique ne saurait être imputée à des retards technologiques, conclut Daniel Schaeffer. « La Chine a largement bénéficié de la coopération internationale, occidentale et russe pour progresser. Elle n’est plus en phase de développement maintenant qu’elle a le supercalculateur Tianhe-1, des astronautes, une armée puissante, le record mondial de la ligne à grande vitesse commerciale. C’est un pays développé« , analyse-t-il.

Selon l’expert, l’explication à cette « politique agressive de recherche d’information de la Chine » vient de ce que « la Chine est tombée dans la tentation impérialiste : c’est la manifestation de la tentation de l’empire du Milieu de dominer sur le plan culturel, technologique et économique« . La recherche d’informations sert ainsi la Chine, comme les autres pays occidentaux, à progresser afin d’occuper et de tenir sa place. Or, « la place que la Chine cherche à prendre est la première place à la fois sur le plan de l’influence, le plan économique et militaire », conclut M. Schaeffer.

Hélène Sallon

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