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Faut-il tout sacrifier pour réussir sa carrière ?

La vie professionnelle nous confronte sans cesse à des dilemmes d’ordre éthique ou privé. Nos conseils pour préserver l’essentiel.

Le succès a-t-il un prix ? Si oui, quel est-il ? Et êtes-vous prêt à le payer ? Ces questions, en effet, ne concernent pas seulement de grands dirigeants, comme Mark Zucker­berg, dont les entorses aux ­lois et aux valeurs morales sont souvent propor­tionnel­les aux milliards qu’ils brassent. C’est à tous les degrés de l’échelle de la réussite et à chaque étape de la vie professionnelle que nous devons nous inter­ro­ger.

Pour décrocher une ­promotion, est-il indispensable de dé­nigrer en douce mon collègue qui y prétend aussi ? La volonté de conclure un con­trat justifie-t-elle des ­arran­ge­ments douteux en sous-main ? Devenir le meil­leur commercial de mon équipe vaut-il de mettre mon couple en péril en laissant le travail cannibaliser ma vie privée ? Loin des conseils candides et des solutions dogmatiques, vous trouverez dans ce dossier des ­réponses concrètes pour vous ai­der à résoudre ces dilem­mes quotidiens.

Faire les bons choix. Un ­exem­ple ? Oui, dans des occasions bien précises, il peut être judicieux d’accepter de revoir à la baisse ses prétentions salariales. Car, parfois, nécessité fait loi. Le tout est d’être conscient des risques pris, de ne pas renoncer à l’essentiel. Prendre les bonnes décisions demande du temps et de l’expérience. Toutes choses dont le fondateur de Facebook n’a pas bénéfi­cié, alors qu’il avait tout juste 20 ans et que le succès lui est tombé dessus sans crier gare.

Les 7 menaces qui pèsent sur votre vie personnelle

Les cadres sont de moins en moins prêts à faire passer leur travail avant tout le reste : famille, amis, loisirs… Mais préserver sa vie privée exige rigueur et fermeté.

Concilier sa carrière avec ses amours, ses enfants, sa vie sociale, ses amis et, cerise sur le gâteau, garder du temps pour soi ? Un problème pres­que impossible à résoudre. « Mais renoncer complètement à l’une ou plusieurs de ces priorités n’est pas satisfaisant », affirme Robert Zuili, coach de dirigeants et fondateur du cabinet Excelia. L’idée selon laquelle la vie personnelle devrait forcément s’effacer au profit de la carrière est d’ail­leurs remise en question par les managers eux-mêmes.

En 2008, ils étaient deux sur trois à souhaiter un rééquilibrage entre travail, famille et loisirs, selon une étude du cabinet Equilibres. Et, en mars 2010, est sorti un petit livre qui a fait grand bruit : « Patrons papas » (Le Cherche Midi) donne la ­parole à dix grands dirigeants, qui racontent leurs dif­fi­cul­tés à jouer pleinement leur rôle de père. Une première en France, où la vie personnelle n’a tradition­nel­lement pas droit de cité dans le monde des affaires. L’envie de chan­ger sem­b­le donc forte. Un signal d’alerte ne trompe pas : si vous trahissez pour la troisième fois la promesse faite à votre fils d’aller le voir disputer son match de foot, il est temps de réagir ! Nos conseils pour faire face, en ­fonction de vos priorités, aux contraintes qui menacent votre jardin privé.

Trajets longs : il faut des contreparties

Flambée immobilière oblige, le temps de trajet entre le domicile et le lieu de travail tend à s’allonger. Pour un Francilien, il est de deux heures par jour en moyenne. Si le poste que l’on vous propose vous permet d’accéder à de hautes respon­sabilités ou de sortir d’une période de chômage, vous serez plus enclin à faire des con­ces­sions sur ce plan. « Mais pour qu’une contrainte soit acceptable, elle doit surtout être limitée dans le temps et donner lieu à des compensations », note Damien Crequer, chasseur de têtes au sein du cabinet Taste.

Un de ses candi­dats parisiens s’est ainsi vu pro­po­ser le poste de directeur de la com­­munication Europe d’Apple à Lon­­dres. « Il n’a accepté de bou­le­verser sa vie de couple que parce qu’il savait qu’au bout de trois ans, il reviendrait en France avec de belles perspectives de carrière. » Parfois aussi, l’éloignement est com­­­pensé par une amélioration de la qualité de vie. Chercheur en physique, Yves Peysson vivrait très mal ses deux heures de voiture quotidiennes entre son dom­icile et l’antenne du Commissariat à l’énergie atomique de Cadarache, s’il n’avait pas le plaisir de résider au cœur d’Aix-en-Provence. 

Horaires extensibles : fixez les limites

« Tu prends ton après-midi ? » Combien de fois avez-vous entendu cette question ironique de la part de vos collègues quand vous quittez le bureau à… 19 heures ? Rester ­ostensiblement tard au travail est une tradition bien française. Nous sommes pénétrés de l’idée que ceux qui réussissent sont nécessairement ceux qui partent les derniers. Il en va différemment à l’étranger.

Au Québec, par exemple, jouer les prolongations après 16 heures est synonyme d’incom­pétence. Chercher à se démarquer de sa culture nationale serait évidemment un combat perdu d’avance, mais vous pouvez poser des limites. Par exemple, en insistant sur le fait que le travail que vous aviez à faire a été bouclé. Et si votre implication dans les dossiers en cours vous fait régulièrement oublier l’heure du départ, faites comme le cher­cheur Yves Peysson, qui programme une alarme sur son ordinateur. « Sans cela, confie-t-il, je ne vois pas le temps passer. »

Le PDG du fabricant de compléments ali­mentai­res Lustrel, Marc Brument, préfère arriver très tôt au bureau (vers 7 heures) afin de pouvoir en partir avant 18 heures. « Sinon, c’est ma vie privée qui en pâtit. Je réussis car je suis heu­­reux, et non l’inverse. » Avec sa femme, qui codirige la société, ils ont mis en place toute une orga­nisation avec nounou (pour leurs deux enfants) et femme de ménage afin de ne plus avoir à gérer l’intendance. Marc Brument peut même consacrer du temps à sa passion, le jardinage !

Dossiers à la maison : ne pas les banaliser

Laisser son travail envahir l’intimité du foyer présente de réels dangers pour l’équilibre du couple et de la famille. Une étude de la fondation Cigref sur la « génération Y », celle née entre la fin des années 1970 et le milieu des années 1990, montre que les jeunes cadres ne conçoivent pas d’accepter aveuglément des contraintes professionnelles excessives. D’accord pour travailler chez soi le soir ou le week-end si nécessaire, à condition d’obtenir des jours de récupération et de pouvoir se ménager des mo­ments de détente au travail (sport, activités culturelles…).

Autre exigence : « Il arrive fatalement qu’on soit obligé de plancher un mois non stop pour décrocher un contrat, mais cela doit rester occasionnel et être clairement annoncé comme tel à ses proches », note Emilie Devienne, qui a dirigé l’ouvrage collectif « Entreprise mode d’emploi, savoir gérer sa vie quotidienne au travail » (Larousse). La coach recomman­de de présenter les choses avec humour et de façon positive à son entourage.

« Les enfants ont besoin de comprendre pourquoi on travaille davantage à certains mo­ments. Moi-même, lorsque je sors d’une période de surcharge, j’organise une fête avec eux pour marquer la fin des hostilités. » Un contrat difficile à décrocher vous a tenu éloigné des vôtres ? Pour faire passer la pilule, mettez en avant qu’il va permettre de financer trois semaines de vacances au soleil pour toute la famille. 

Mobile : débranchez après 20 heures

Répondre au téléphone pendant le dîner, consulter ses e-mails avant de se coucher… Cette dépendance aux nouveaux outils de communication est le lot de la plupart des cadres. Elle est causée en partie par la fascination pour ces joujoux numériques, mais aussi par la conviction qu’en répondant à 23 heures à un e-mail de votre patron, vous serez bien vu.

Mais un chef insomniaque n’attend pas forcément de ses équipes qu’elles aient les mêmes horaires que lui. « C’est à chacun d’inventer les usages qui vont avec les objets nomades, afin qu’ils soient utiles et pas aliénants », estime la coach Emilie Devienne. Thibaut Bechetoille, PDG de la SSII Qosmos, déplore le caractère intrusif du courrier électro­nique : « Les gens hésitent à vous téléphoner si ce n’est pas important, mais ils envoient des e-mails pour n’importe quelle raison…

Le pire, c’est que je suis incapable de m’empêcher de les consulter ! » Internet et les smartphones ont aujourd’hui conquis une telle place qu’il est nécessaire de mettre en place des stratégies pour les mettre à distance. Ainsi, pour éviter que les messages professionnels polluent vos vacances, réfléchissez à l’avance à la manière dont vous souhaitez que vos e-mails soient traités en votre absence. Idem pour les coups de fil : prévoyez de faire basculer vos appels sur le poste d’un collaborateur ou d’un collègue.

Week-ends travaillés : prévoyez des congés

Comme beaucoup de patrons en pleine ascension, Thibaut Bechetoille a eu, à la tête de Qosmos, son lot de week-ends cannibalisés par le travail. Au détriment, parfois, de sa femme et de ses trois filles… « On ne peut pas réaliser quelque chose d’intéressant sans s’impliquer fortement », reconnaît-il. Jusqu’à ce qu’il tombe sur le livre de Stephen Covey, « Prio­rité aux priorités » (First) : « Cela m’a permis de prendre conscience que maîtriser son temps nécessite de l’organisation et de la discipline. »

Au­jourd’hui, il prévoit ses congés à l’avance, fait du yoga à heure fixe dans la semaine et du tennis, du jogging et du golf le week-end. Pour le chercheur Yves Peysson, le lâcher prise passe par… l’éloignement maximal. « Si je reste dans un environnement trop familier, le bou­lot me rattrape, et je me retrouve à griffonner des idées sur un bout de papier. » Pour se ressourcer, il part aux confins de l’Ethiopie, à la frontière avec le Soudan, pendant quinze jours, à 100 kilo­mè­tres de toute civilisation ! Obligé de se rendre régu­lièrement à des congrès scientifiques à l’étranger, il s’organise aussi pour allier travail et vie privée.

« Après le congrès, soit ma fille ou ma compagne me rejoignent, soit je pars faire une virée sportive avec des amis. » Il cherche cependant à réduire le plus possible ce genre de déplacements, et milite désormais pour les visioconférences. « Même s’il faut parfois se réveiller à des heures indues à cause du décalage horaire, le fait de ne pas avoir à être sur place permet à chacun d’être plus efficace, moins fatigué… et moins absent ! »

Soirées “boulot” : pas plus de trois par mois

L’un des meilleurs accélérateurs de carrière ? Le réseau, bien sûr. Se rendre à des manifestations telles que des remises de prix, des réunions d’anciens élèves ou des conférences-débats permet de croiser du monde, d’échanger des cartes de visite, de créer des liens. Ces événements hors des murs de l’entreprise offrent des occasions de rencontres privilégiées et chaleu­reuses. Florence Dietsch, 37 ans, ne renoncerait pour rien au monde à son implication dans l’association des anciens élèves du mastère MSIT d’HEC/Les Mines.

« C’est un plaisir de ren­contrer des collègues et des experts une journée par semaine. Cela m’apporte une vraie ouverture d’esprit. » La jeune consultante chez Neoxia reconnaît cependant qu’un tel rythme ne serait pas tenable avec des enfants. Thibaut Bechetoille, lui, choisit avec soin les manifestations auxquelles il décide de se rendre. « Si je n’y prenais pas garde, je pourrais sortir tous les soirs. » Il ne consacre que deux soirées par mois aux trois as­sociations qui ont une vraie im­portance pour lui : le Réseau En­tre­pren­dre, Les Journées de l’en­­trepreneur et l’association CroissancePlus. « Je peux ainsi transmettre des valeurs auxquelles je crois sans que cela empiète trop sur ma vie personnelle. » 

Création d’entreprise : consultez votre famille

Tous ceux qui créent leur propre société le savent : ce « bébé » perturbe les rythmes de vie pendant un long moment. Soumis à la pression constante, les entrepreneurs reculent le moment de quitter leur bureau et ont encore plus de difficultés que les autres à préserver leur vie personnelle. « Je me disais que le coup de collier serait temporaire, mais je ne vois toujours pas le moment où les choses vont se calmer ! » s’affole Benoît Durasnel, créateur, en 2007, d’une agence de relations publiques. Il ne parvient pas à décrocher une journée entière, et prend difficilement des vacances. « Je n’ai jamais l’esprit libre. Je laisse toujours mon portable allumé, sinon je suis stressé. L’idée d’un imprévu que mes collaborateurs ne pourraient pas régler en mon absence m’angoisse. »

Difficile dans ces conditions de préserver sa sphère privée. Les conseillers en entrepreneuriat le répètent : créer sa boîte est une décision qui se prend avec son con­joint. Si ce dernier n’est pas d’accord, le raz de marée de travail engloutira le couple. Pour dégager du temps, certains entrepreneurs créent leur société avec un associé. « Au début, nous n’avions aucune vie privée. Maintenant, on reste à tour de rôle pour gérer les ur­gences », note Mehdi Sbaouni, cofondateur, avec Romain Lelong, de la SSII Reviatech. Pour tenir sur la durée, il faut aussi savoir souffler.

Prendre un congé parental

Tout salarié peut bénéficier d’un congé parental (non rémunéré) lui permettant de suspendre ou de réduire (à seize heures de travail par semaine au minimum) son activité professionnelle afin d’élever son enfant, pour une durée maximale d’un an, renouvelable deux fois. Seule condition : avoir un an d’ancienneté dans l’entreprise. Plus de 570.000 familles y ont eu recours en 2008, selon la Caisse d’allocations familiales. Une pratique parfois facilitée par certaines entreprises. Depuis 2006, Areva abonde de 35% les jours épargnés dans le CET (compte épargne temps) des salariés afin que ceux-ci puissent s’occuper de leur enfant en étant rémunérés.

Double carrière : des couples pionniers

Les couples où les deux conjoints assument un poste à haute responsabilité sont de plus en plus nombreux. “Il s’agit d’un phénomène très récent qui
va de pair avec le désir des femmes de s’accomplir dans leur travail”, souligne la sociologue Sandrine Meyfret, directrice associée du cabinet Alomey Conseil. Ces couples dits à “double carrière” sont, selon elle, en train de bouleverser le schéma traditionnel de notre société. “Ils participent à la création d’un mode de vie inédit.” Et inventent au quotidien un nouvel équilibre des rôles : ils prennent tous les deux en charge l’éducation des enfants, contribuent à parts ­égales au budget familial et acceptent à tour de rôle des mobilités professionnelles.

Anne-Isabelle Six

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