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Avec le départ d’Alliot-Marie, il faut remettre la diplomatie française à plat

Sous la signature de Groupe Albert Camus, des diplomates du ministère des Affaires étrangères dénoncent dans une tribune la crise structurelle de la diplomatie française et sa peur du changement.

«La diplomatie française est en crise. Preuve du profond malaise qui s’est emparé des esprits, les diplomates s’affrontent depuis quelques jours par tribunes interposées. Dans Le Monde, le groupe Marly remet en cause l’ensemble de la politique étrangère suivie depuis 2007. Il réclame le retour au positionnement diplomatique traditionnel de la France. DansLe Figaro, le groupe Rostand lui répond en prenant la défense du bilan et des grandes orientations du chef de l’Etat en matière internationale.

«Ces prises de position partisanes, en attaque ou en défense du Président, ne disent rien des deux véritables problèmes à l’origine de la crise actuelle. Le premier est conjoncturel. C’est une erreur dans le choix du titulaire du Quai d’Orsay. Ayons l’honnêteté de reconnaître que si notre ministre des Affaires étrangères, dont la vision du monde est dominée par les questions d’ordre, n’avait pas proposé à Ben Ali la coopération policière de la France ni passé ses vacances dans une Tunisie en pleine révolution, notre diplomatie ne connaîtrait pas le feu de critiques dont elle est actuellement l’objet. Après tout, nos voisins européens, qui dans le passé ont développé le même type de relations que nous avec le monde arabe, ne voient pas leur politique étrangère ainsi chahutée.

«Il apparaît que le Chef de l’Etat a pris la difficile décision de se séparer de Mme Alliot-Marie. C’était inévitable tant la voix de la France était devenue inaudible. Mais attention au choix de son remplaçant. Nous venons de voir que le «professionnalisme» ne suffit pas quand souffle le vent de l’histoire. L’une des premières qualités attendues d’un ministre des Affaires étrangères, dans le moment présent, est d’être en empathie avec les mouvements démocratiques émanant des sociétés civiles et de ne pas prêter le flanc, par ses déclarations ou ses relations passées, à l’accusation de complaisance avec des régimes autoritaires du monde arabe ou d’ailleurs.

«Le second problème que révèle l’actuelle crise de notre diplomatie est d’ordre structurel. Nous constatons une nouvelle fois que notre pays, malgré ses références mécaniques aux droits de l’homme, éprouve les plus grandes difficultés à intégrer dans sa politique étrangère la défense de la démocratie, le soutien aux dissidents et à la transformation des régimes. Il semble paralysé par la peur du changement, obsédé par la volonté de maintenir le statu quo, la stabilité. La Chute du Mur de Berlin, que nous n’avons pas su accompagner, avait déjà illustré, de façon dramatique, cette singulière difficulté. Notre prestige dans la nouvelle Europe continue d’en souffrir.

«Nous faisant l’écho de la majorité des femmes et des hommes qui travaillent pour l’action extérieure de la France, nous souhaitons que le remaniement gouvernemental annoncé soit l’occasion d’une remise à plat. Comme l’avait promis le candidat Sarkozy en 2OO7, il importe de mettre le soutien à la démocratie et aux droits de l’Homme parmi les priorités de notre agenda international. Nous pensons qu’il doit figurer au programme du G8 et du G20 sous présidence française, inspirer les initiatives du nouveau ministre en direction de la Méditerranée, de l’Afrique et des derniers régimes autoritaires d’Asie et d’Amérique. Nous estimons que notre diplomatie, sans négliger la relation avec les Etats, doit renforcer son dialogue avec les sociétés. Nous jugeons urgent de nous doter, au niveau national et européen, de nouveaux instruments non seulement pour accompagner les transitions politiques déjà engagées, mais aussi pour soutenir les hommes et les femmes qui, dans les sociétés non démocratiques, luttent pour la liberté d’expression et le droit de choisir son gouvernement.

«Certains reprochent au chef de l’Etat d’avoir voulu rompre avec la traditionnelle politique étrangère de la France. Regrettons plutôt qu’il ne soit pas allé jusqu’au bout de la rupture. N’ayons pas la mémoire courte : c’est cette vieille politique étrangère française qui, obsédée par le souci de faire de notre pays un dissident dans le monde des démocraties libérales, nous conduisait à d’improbables rapprochements avec des tyrans, à la relativisation des droits de l’Homme et de la démocratie. Un retour à cette politique n’apporterait évidemment pas la solution à la crise actuelle, car elle est un élément constitutif de la crise. Le Printemps arabe, qui montre l’universalité de nos valeurs et le désir de nombreuses sociétés de rejoindre le monde libre, nous invite au contraire à rompre définitivement avec le vieux positionnement diplomatique français.

«Ne soyons pas naïfs ! Les obstacles à cet aggiornamento de notre politique étrangère sont nombreux. Les plus importants ne sont pas économiques. Le fait d’avoir des entreprises à protéger n’empêche pas les Etats-unis de placer les enjeux de la liberté au premier plan de leur action. La difficulté tient surtout à notre culture politique. Si l’héritage libéral des Lumières et de la Révolution fait partie de notre histoire, nous héritons aussi du culte de l’Etat et des valeurs d’ordre, d’une certaine méfiance vis-à-vis de la société civile et de l’individu. Mais il y a urgence! Il y a urgence, si nous ne voulons pas disparaître de la scène internationale, à renouer avec la part généreuse de notre histoire et à tenir les promesses inscrites dans notre pacte social. C’est ce que demandent les Français. C’est ce que sont prêts à faire, avec loyauté et compétence, les diplomates qui travaillent pour le rayonnement de la France à l’étranger.»

Groupe Albert Camus


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