Au lendemain de la présentation à Tunis d’un gouvernement de transition, trois jours après la fuite de l’ancien président Zine El-Abidine Ben Ali, Mohamed Ghannouchi, doit faire face à plusieurs coups durs : la démission de plusieurs de ses ministres, mais aussi des critiques d’opposants et de manifestants estimant que le nouveau cabinet accorde trop de place aux cadres de l’ancien régime.
Trois personnalités de l’opposition font partie du gouvernement d’union, mais les portefeuilles clés de l’intérieur, de la défense, des finances et des affaires étrangères n’ont pas changé de mains.
- L’UGTT se retire du nouveau gouvernement
Moins de 24 heures après la formation du gouvernement, au moins cinq ministres auraient déjà démissionné. Dans un premier temps, les trois représentants de l’UGTT au gouvernement se sont retirés du gouvernement de transition. « Nous nous retirons du gouvernement à l’appel de notre syndicat », a déclaré M. Dimassi qui avait été nommé la veille ministre de la formation et de l’emploi. Abdeljelil Bédoui, ministre auprès du premier ministre, et Anouar Ben Gueddour, secrétaire d’Etat auprès du ministre du transport et de l’équipement ont également démissionné.
L’Union générale des travailleurs tunisiens, la puissante centrale syndicale, qui a joué un grand rôle dans les manifestations ayant provoqué la chute de Ben Ali, avait demandé dans la matinée à ses trois représentants de quitter le gouvernement, affirmant qu’elle « ne [reconnaissait] pas le nouveau gouvernement ».
Peu après, ce sont deux ministres de la société civile qui ont également démissioné
Par ailleurs, les syndicalistes siégeant au Parlement et à la Chambre des conseillers (équivalent du Sénat), « ont démissionné », a ajouté un porte-parole. La centrale syndicale s’est également retirée du Conseil économique et social.
- Des manifestations violemment dispersées
Bravant l’état d’urgence qui interdit tout rassemblement de plus de trois personnes, des milliers de Tunisiens ont manifesté contre la présence de ministres issus du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti du président déchu Ben Ali. A Tunis, ils étaient plusieurs centaines à défiler avenue Bourguiba, conduits notamment par le président du mouvement islamiste Ennahda (Eveil), Sadok Chourou, qui avait été libéré de prison le 30 octobre. La police a dispersé la foule en tirant des grenades lacrymogènes et en faisant usage de matraques, rompant avec la retenue observée la veille lors d’une manifestation similaire.
Environ 5 000 personnes ont manifesté à Sfax, la deuxième ville du pays, où l’imposant siège local du RCD, le parti du président Ben Ali, avait été incendié par des manifestants il y a quelques jours. A Sidi-Bouzid, « des milliers de manifestants » étaient rassemblés. Une autre marche rassemblant un millier de personnes s’est produite à Regueb, à 37 km de Sidi-Bouzid. Enfin, un rassemblement de 500 personnes, regroupant notamment des avocats et des syndicalistes, s’est tenu à Kasserine, autre bastion du mouvement de contestation contre Ben Ali.
- Le premier ministre défend le maintien de ministres de Ben Ali
Les ministres issus du RCD qui ont été maintenus à leur poste ont toujours agi pour « préserver l’intérêt national », s’est justifié le premier ministre, Mohamed Ghannouchi sur la radio française Europe 1. « Ils ont gardé leur portefeuille parce que nous avons besoin d’eux dans cette phase » de construction démocratique, a affirmé le chef du gouvernement, soulignant le « grand enjeu de la sécurité » dans cette période de transition. « Tous ont les mains propres, (…) une grande compétence. Ils ont du mérite. Grâce à leur dévouement, ils ont réussi à réduire la capacité de nuisance de certains. Ils ont manœuvré, tergiversé, gagné du temps pour préserver l’intérêt national », a-t-il insisté.
Le gouvernement de transition n’est que provisoire et a pour mission de s’attaquer aux problèmes économiques à l’origine des émeutes et de préparer des élections pluralistes, a renchéri Kamel Morjane, ministre des affaires étrangères, lors d’une conférence de presse. « Nous ne devons pas oublier que son objectif est clair et que sa durée a été clairement précisée, légalement et par l’accord de toutes les parties », a ajouté l’ancien ministre de Ben Ali maintenu dans ses fonctions.